Mai Thuy ou le retour sur les pas
Si vous venez visiter l’orphelinat Hoa Mai à Vi Thanh, vous la reconnaitrez au premier coup d’œil. Un peu rondelette, petite jeune femme souriante a l’œil vif, Mai Thuy semble être présente partout. C’est l’animatrice des filles, figure maternelle pour les petites, et de grande sœur pour nos jeunes lycéennes.
Mai Thuy connait bien le lieu. C’est normal, elle a grandi dans ces bâtiments depuis l’âge de 11 ans juste avant le certificat d’études primaires. Elle a fait partie des premiers pensionnaires de Hoa Mai a Vi Thanh en 1995, et partage les mêmes histoires de ces enfants que les familles délaissent car c’est une bouche de trop à leur maigre table. L’enfant voit plutôt son avenir dans la rue que sur les bancs de l’école, vendant des billets de loterie ou prêtant ses maigres bras dans les étalages des marchés et des plonges des gargottes le long des rues. Mai Thuy, à l’âge de deux mois, perd sa mère. Quand le père se remarie, sa marâtre disperse ses trois sœurs à trois endroits différents, elle est accueillie dans l’orphelinat. La grande famille n’est pas intervenue après le décès de leur mère pour différents conflits familiaux.
Mai Thuy a donc de la chance de finir ses études secondaires, puis un court passage à l’Université de Tây Dô lui a donné les compétences nécessaires pour trouver un poste de comptable chez Dacotex. Mais les chiffres ne font pas son bonheur. Elle qui est devenue épouse et mère, est heureuse auprès des enfants en maternelle chez les religieuses. Elle refait une formation de puéricultrice, revient avec sa famille à Vi Thanh, et se propose de revenir à l’orphelinat pour s’occuper de ces petites filles qu’elle sait en manque d’affection.
Vous la voyez peignant la longue chevelure de Yen Nhu, tressant les nattes de Trâm, tirant sur la jupe de Nhi en rouspétant « voilà je t’ai dit que la fermeture ne part pas à l’avant comme ça ». Au retour de l’école, ces petits en uniforme, chemise blanche et pantalon bleu foncé, parfois donnent l’impression de rentrer de bataille, et la douche pour les plus petits est vite vite à faire près de la jarre d’eau de pluie, tout près du potager, le petit riant sous le chapeau de mousse qui dégouline. Mai Thuy à midi s’active dans le réfectoire pour servir. Mai Thuy tranquille dans la salle de repos reprise les bermudas dans le silence de la sieste. Mai Thuy le soir sévère dans les révisions des leçons, corrigeant un devoir.
En fait, Mai Thuy fait beaucoup plus que ça. Et ce qu’elle fait, elle le fait avec amour.
Elle dit qu’elle est sortie du chemin de misère qui lui était destiné et elle en est bien consciente. Elle a bien poussé son mari dans les études pour avoir trouvé un travail de représentant de commerce, et qui devient maintenant sous directeur de l’orphelinat Hoa Mai Can Tho, elle a encouragé sa fille Hoang Mai en donnant un modèle de réussite.
Ce qu’elle veut, elle me dit que c’est simple, c’est de montrer aux enfants la part de chance qui est enfouie dans chacun. Comme elle, heureuse d’être la maman d’une vingtaine de petites.