L’histoire de Dinh Van Loï

Loï pousse le portail de Hoa Mai à Da Nang et sourit aux saluts des enfants. Ce n’est pas la première fois qu’il rentre dans Hoa Mai, puisqu’il y a vécu pendant 5 ans, mais aujourd’hui il revient en tant qu’animateur responsable des garçons, il devine aussi qu’on va lui confier d’autres tâches, en particulier la gestion des stocks et même la trésorerie de l’orphelinat.

Loï vient de l’ethnie Katu de la montagne. Son père est décédé après un accident de voiture mal soigné, sa mère meurt deux ans après dans un accident de travail, pendant la fabrication de l’huile médicinale traditionnelle. Avec son jeune frère, ils ont été deux ans chez un oncle généreux mais trop pauvre, et viennent chercher de l’aide dans Hoa Mai.

Les études pour Loï représentent la seule manière de se relever, tout comme les 3 ans au Service militaire qui s’en sont suivis. Il en a tiré des expériences vitales. Formé comme sapeur pompier, il connait la valeur de l’engagement, le respect de la vie humaine et matérielle, la rapidité de la décision, et le sacrifice pour autrui. Ses racines ancrées dans la terre rouge des hauts plateaux le poussent à préférer la culture dite « propre » car sans insecticides, sans pesticides pendant tout le service. L’armée le forme aussi pour pouvoir conduire et le dote du permis C, le permis qui pourrait lui ouvrir des portes dans les offres d’emploi de cette région qui tend vers l’industrialisation .

Mais Loï revient à Hoa Mai.

Loï a vu que les grands enfants ont besoin d’une figure paternelle, lui qui se prétend seulement le grand frère plein d’expériences de la vie, qu’il veut transmettre aux plus jeunes.

Et il transmet par l’exemple. D’abord par l’amour du travail. Il construit un poulailler avec les enfants comme un énorme jeu, et y fait courir les premiers poussins gros comme une boule de laine jaune. En deux mois, les enfants viendront chercher des œufs. Il fait ensuite une mini mare et y met des canards. Il évoque l’ élevage qu’il a créé de 500 poulets qu’il vient de quitter de son village dans la montagne, et qui a bien rapporté.  Depuis quelques mois, il élabore un autre projet plus ambitieux, planter des arbres fruitiers, élargir le jardin potager, enrichir la terre, le grand souci c’est l’eau. Soit en trop dans cette région côtière, comme dans les typhons et inondations, soit en manque comme la sécheresse des mois de vent d’ouest qui craquelle la terre.

Il transmet son désir d’études, lui qui est un enfant ethnique pauvre et sans famille, il a reconquis une place dans la société, grâce aux leçons et exercices, qu’il explique aux enfants qui boudent quand c’est trop dur pour eux.

Il sait respecter les biens dans Hoa Mai, et connaît la valeur sentimentale qui est attachée à chaque élément, lui qui a la chance de côtoyer sa marraine de France qui vient souvent le voir.

Il garde un regard très doux, aimant la vie, les arbres et les fruits, heureux en jetant les graines aux volailles, patient avec les petits, confident avec les grands, prêt à l’appel. Loï ne démontre pas son savoir, il est l’élément naturel comme sait être le Ka Tu de la montagne.